Une lettre à mon pays
Une lettre à mon petit
pays
Le soldat a déserté, l'amoureux a trahi… Et voilà petit pays venu le jour où je
t'observe à travers un fil d'actualité Facebook bourré de publicités. Rien de nouveau,
le syndicat résiste, les islamistes persistent, et la gauche s’efface… Et moi qui ne
parle plus de toi, qui ne pense plus à toi.
Voilà, j'ai eu du mal à te le dire, mais il y a quelque mois je t'ai quitté, je t'ai quitté
dans le silence, je t'ai quitté sans prendre le temps de te saluer, je t'ai quitté par
épuisement, par trahison, par choix ou par une envie de respirer loin de toi…
Je t'avoue que quand je passais par les rues de ta capitale, je me rappelais de ce petit
jeune homme tué par balle en plein rue, et je me rappelais de moi-même quelque jour
après, avec sa mère, refaisant son chemin en espérant qu'un jour la justice sera faite…
Je ne sais pas comment va sa mère aujourd'hui, mais je suis sûr que tu ne l’aurais
jamais pris dans tes bras s’il était encore en vie… Je ne t'en veux pas et toi tu n'as pas
à m'en vouloir… De toute façon ça ne sert à rien d'évoquer les raisons, je sais que tu
me comprends…tu sais bien petit pays que je suis toujours ton enfant.
Aujourd'hui je suis loin, je me suis réfugié dans un petit patelin normand
nommé Vernon. Je ne connaissais personne quand je suis arrivé. Mais j'ai senti que la
ville m’a modestement ouvert à moitié sa porte. De toute façon petit pays tu m'as
appris à escalader les murs quand les portes sont bloquées et ne t’inquiète surtout pas,
j'ai déjà des amis ou des connaissances ou appelle ça comme tu le veux, mais sache
que je ne suis pas seul, ni isolé… ou du moins c’est ce que je crois.
Certes en te quittant j'ai quitté tous ces amitiés… Ah petit pays, prends soin de mes
camarades qui adorent se révolter dans tes rues, protège-les de tes sales chiens
sauvages et prends soin de mes amis. Prends soin de ta grande fille Lina… Elle, je le
sais, ne voudra jamais te quitter, elle t'a toujours aimé au prix de sa santé…
Vernon c'est une belle ville de verdure en pleine nature, mais il n’y a pas ta mer, la
mer qui m’a toujours tendu les bras lorsque rien ne va…. A Vernon il y a la Seine
mais la Seine ne me répond pas quand je lui parle, elle me regarde froidement,
calmement, comme si je n'existais pas…
Petit pays ne t'inquiète pas pour moi, Vernon m'a appris à grandir, m'a appris à me
relever seul en silence, elle m’a appris à rire seul, à rêver seul, à pleurer seul… Mais
petit pays je vais bien, j'ai fait ce que je voulais, Vernon m'a aussi appris à rêver, à
vivre pour moi… Elle m'a aussi appris à encore t’aimer, petit pays, comme
disait Cesaria Evora, « Petit Pays je t'aime beaucoup ».